Friday, December 16, 2011

Barbara Hendricks en concert à Beaulieu

Elle donne rendez-vous dans la suite Coco Chanel du Lausanne Palace. La grande soprano s’extasie sur le Léman qui s’offre à la vue depuis le balcon. Elle vit sur la Riviera vaudoise mais ne se lasse jamais de ce spectacle. Cette artiste mondialement connue a beau avoir foulé les plus grandes scènes du monde, elle reste toujours accessible pour ceux qui défendent des causes justes. Musique et engagement humanitaire: les deux tempos de sa vie.

Pourquoi avoir choisi de chanter au profit de l’association marocaine ALCESDAM?

Je suis sollicitée par beaucoup d’associations et je tente de rester fidèle à des causes liées aux droits humains et aux réfugiés. Je suis ambassadrice du HCR depuis vingt-cinq ans. On voit aujourd’hui que les problèmes de sécheresse forcent les populations à l’exode, c’est pourquoi je voulais défendre le travail d’une petite organisation qui se bat à la source en tentant de préserver les oasis contre la désertification.

N’êtes-vous pas découragée, parfois, de constater qu’on meurt encore de faim au XXIe siècle?

Triste, pas découragée. Je ne comprends toujours pas qu’on puisse mettre un homme sur la Lune mais qu’on ne puisse pas donner à manger aux affamés. J’étais en Ethiopie en octobre dernier, avec les réfugiés somaliens et érythréens. Je suis repartie pour la première fois sans espoir de solution immédiate. Heureusement, il y a des gens partout dans le monde qui travaillent comme de petites fourmis pour améliorer les choses. Il faut lutter pendant qu’on est vivant!

Qu’est-ce qui vous aide à repartir dans ces périodes d’abattement?

Les femmes réfugiées, surtout. Je pense en particulier à une femme somalienne qui avait tout perdu. Si elle ne baisse pas les bras, elle qui vit dans un monde dénué de tout confort et de liberté, contrairement à moi, je n’ai pas le droit de le faire!

«On n’est pas là pour faire son métier, gagner de l’argent et mourir», disiez-vous un jour.

On ne peut pas sauver le monde, mais on peut, à tous les niveaux, laisser une petite trace utile. Sinon, on aura vécu comme un légume, un zucchini! (Rire.)

Avez-vous choisi les œuvres que vous interpréterez au théâtre de Beaulieu?

Oui. J’ai choisi les airs que j’aime, de Mozart, Bizet, à Delibes, ainsi que la scène de la lettre de Tatiana, de Tchaïkovski, qui dure douze minutes. C’était aussi une occasion de rechanter en russe, sinon je l’oublie.

Et vous donnez sa chance à un orchestre composé de jeunes?

Les jeunes musiciens m’inspirent, ils ont la passion et l’enthousiasme intacts, ils ne sont pas encore blasés! J’espère en retour pouvoir leur apporter quelque chose avec mes presque quarante ans de carrière!

Justement, vous qui avez connu les plus grandes scènes du monde, votre passion demeuret- elle intacte?

Oui, j’aime la musique, mon répertoire est varié, je ne m’ennuie jamais. Et puis j’adore revenir à des œuvres que j’ai chantées par le passé, comme lors de retrouvailles avec un vieil ami.

Vous faites des vocalises tous les jours?

Non. Contrairement à d’autres chanteuses, je ne passe pas des heures à faire des gammes, j’ai une voix naturelle, j’ai toujours beaucoup chanté, je n’ai pas besoin de beaucoup d’exercice. Je peux prendre six semaines de vacances, comme cet été, et ne pas chanter une note!

Les jeunes vont-ils à vos concerts?

Oui. Vous savez, quand vous faites écouter de la musique classique à un jeune, en général il trouve extraordinaire. Le problème, c’est qu’il faut la faire découvrir avant que le diktat de la mode, des médias, lui impose ce qui est in et out. Je ne l’ai jamais imposée à mes enfants, mais elle était évidemment inévitable. En fait, ils écoutaient mes disques pour s’endormir quand je n’étais pas à la maison. (Sourire.)

Des nouveaux projets?

Un CD sort ces jours-ci, Le voyage d’hiver, de Schubert. Je n’aurais pu le chanter plus jeune, car ce voyage, c’est celui de la vie, du temps qui a passé. Aujourd’hui, je privilégie les choses qui m’intéressent, et pourquoi pas dans des endroits où il y a de la bonne cuisine. Je vois un peu ma carrière comme un très bon repas. Disons que j’en suis au cognac!

Concert de gala Barbara Hendricks. Théâtre de Beaulieu, Lausanne. Vendredi 30 septembre. Location 0900 800 800.

Source: http://www.illustre.ch