Au Monoprix des Champs-Elysées, ce lundi 3 octobre à l'heure de la pause déjeuner, l'effervescence est palpable au très coloré rayon des vernis à ongles. Toutes les nails addictsdu quartier sont là pour l'événement de l'année : l'arrivée de la collection de 90 vernis à ongles Essie. Pendant un an, l'enseigne distribuera en exclusivité ces petits flacons américains, devenus cultes. Car cette marque, créée par Essie Weingarden en 1981 et rachetée pour un peu moins de 100 millions de dollars par L'Oréal en avril 2010, est devenue un véritable phénomène de mode aux Etats-Unis. Les couleurs, poétiquement baptisées "Chaussons de danse" ou "Sugar Daddy", habillent les ongles de la reine d'Angleterre comme de Kate Middleton ou encore de Lady Gaga. "C'est notre petit diamant, confie le PDG de la filiale américaine de L'Oréal, Frédéric Rozé. Depuis que sa distribution, jusqu'alors réservée aux salons de manucure, a été étendue aux grandes surfaces, son chiffre d'affaires - environ 100 millions de dollars - a triplé en un an."
Les vernis à ongles Essie ont enregistré une croissance de 25% en huit mois.
Une pépite qui dégage une rentabilité exceptionnelle : aux Etats-Unis, les flacons sont vendus 8 dollars (12 euros à Monoprix), contre 3,50 dollars pour les vernis Maybelline et 5 dollars pour ceux de L'Oréal-Paris, les deux autres marques de vernis du groupe. "En huit mois, nous avons pris 10 % du marché, avec une croissance de 25 %", se félicite David Greenberg, président de Maybelline-New York, devant un parterre de journalistes et d'analystes financiers réunis au siège de L'Oréal-USA, à New York.
Le PDG de L'Oréal, Jean-Paul Agon, ne boude pas son plaisir devant les résultats des dix marques américaines du portefeuille du groupe, qui en compte vingt-trois. Au premier rang, on trouve - outre les vernis à ongles Essie - Maybelline-New York (le leader mondial du maquillage), Matrix et Redken (les marques de shampooings et colorations vendues essentiellement chez les coiffeurs américains), SoftSheen-Carson (le leader des produits capillaires ethniques), les parfums Ralph Lauren, les produits de soins Kiehl's, mais aussi des gammes plus "techniques" comme Mizani, Pureology ou SkinCeuticals. Après deux années difficiles (le chiffre d'affaires du groupe aux Etats-Unis a reculé de 1,5 % en 2008 et de 2,2 % en 2009), les ventes ont bondi de 6 % en 2010. Certaines marques, jugées peu prometteuses, comme Shu Uemura, Helena Rubinstein et Biotherm, ont été supprimées des étals pour permettre au groupe de se concentrer sur les autres. Et les perspectives sont encourageantes. Malgré la dégradation économique, le cabinet Kline estime que le marché de la beauté américain - 32 milliards de dollars - devrait progresser de 3 % en 2011, porté par le segment du luxe.
Chiffre d'affaires 2010 Groupe L'Oréal: 19,5 milliards d'euros
Produits professionnels (Kérastase, Matrix, etc.): 15%
Produits grand public (L'Oréal-Paris, SoftSheen-Carson, etc.): 52,5%
Cosmétique active (Vichy, SkinCeuticals, etc.): 7,6%
Une tendance qui permet à L'Oréal-USA de rester la plus importante filiale du groupe, avec 4,8 milliards de dollars de facturations en 2010, un record ! "Nous avons 13 % de part de marché aujourd'hui. Doubler notre pénétration aux Etats-Unis pour atteindre 20 % dans la décennie est donc tout à fait réaliste, affirme Jean-Paul Agon. Nous avons les marques pour le faire dans toutes les catégories. C'est un marché très stratégique, puisque c'est le plus important dans le monde pour les cosmétiques." S'il réalise ce qu'il baptise lui-même un "rêve", le groupe engrangerait alors 1,6 milliard de dollars de ventes supplémentaires. Mieux, Jean-Paul Agon veut, à l'instar de ce qu'il a fait pour Essie, faire des marques américaines un véritable relais de croissance dans le monde. Le PDG aime à rappeler que le slogan fétiche du groupe depuis quarante ans - "Parce que je le vaux bien" - est né au Etats-Unis et qu'il a ensuite été traduit dans le monde entier.
Pour l'instant, les griffes made in Etats-Unis ne représentent que 20 % de son chiffre d'affaires mondial. Mais L'Oréal compte sur elles pour atteindre son objectif : trouver 1 milliard de consommateurs supplémentaires dans les dix ans. Il dispose pour cela de deux cash machines: SoftSheen-Carson et Kiehl's.
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